S'IL TE PLAÎT, MERCI, PARDON...


L’amour, au début, c’est un bonbon. C’est délicieux, souvent doux et acidulé à la fois. On se réjouit à chaque fois qu’on ouvre l’emballage, on savoure, on se délecte avec gourmandise, en s’en léchant les doigts. Et comme tout enfant bien élevé, on remercie l’autre pour ce cadeau, grâce aux formules de politesse apprises, voire aux mots doux, bref, on montre son intérêt pour sa sucrerie. Les années passent, et on grandit (pour ne pas dire qu’on vieillit…). La routine s’installe, et le bonbon que représente l’autre perd quelque peu d’intérêt. On aime toujours ça, mais le cœur et le corps ne vibrent plus autant qu’avant, et c’est bien normal ; on apporte moins de soin aux détails, puisqu’il n’y a plus ni surprise, ni euphorie : exit les efforts de séduction, de minaudage, de taquineries. Et même pire, avec le temps, on préfère les raccourcis, qui finissent parfois par faire dévier de la bonne route.

 

Les « merci », « s’il te plait » ou « pardon » s’apprennent dès le plus jeune âge, avant même de savoir parler. Cette marque de respect si chère à la plupart d’entre nous vis-à-vis des tout petits, est pourtant souvent mise de côté une fois en couple ; ces mots ont tendance à parfois être oubliés, dès lors que les brosses à dents partagent le même verre, et que les amants décident une fois pour toute de leur côté du lit… Pourtant, ces politesses, ces mots formels, permettent une courtoisie envers ses congénères, et marquent un respect affectif au sein du couple. En d’autres termes, ils disent : « je te vois, je te considère, tu comptes encore pour moi ».

 

En quoi ils se transforment ?

Les « merci » et les « désolé.e » deviennent au mieux des onomatopées (« mmm » ou « pfff ») et au pire de lourds silences ; et les « s’il te plait » virent en reproches… (« tu pourrais au moins vider le lave-vaisselle ! »). Avec le temps, on va à l’essentiel, on abrège, on remplace les « tu me manques, j’ai besoin de toi » par « de toute façon t’es jamais là quand il faut » : on fait comprendre à travers les reproches, une frustration construite par la répétition. La politesse n’est plus. RIP.

 

Commence alors le déséquilibre. Car lorsqu’on ne met plus les formes, on peut finir par croire que tout est permis, on prend l’escalier qui mène aux interprétations, aux incompréhensions, aux voix hurlantes, aux insultes… et marche après marche, on monte d’un cran qui éloigne le souvenir délicieux du bonbon. Les mots évidents au début de l’histoire, jugés acquis, sont rangés au fond du tiroir, entre les vieux slips et les vieilles chaussettes qu’on n’a pas jeté « au cas où » (en cas de grosses peurs dans le duo, de menaces de froid glacial, ça peut toujours servir…). Ce manque de formes laisse la porte ouverte à l’expression de ressentiments accumulés.

 

Ne pas s’excuser est une forme de dénigrement, où la violence verbale n’est jamais très loin… Une pente glissante qui peut mener à des formules plus violentes du type : « je m’en fous », ou « t’es nul.le de faire/penser ça ». Bref, des mots qui blessent vraiment. Savoir dire « pardon », c’est se montrer assez mature, solide et secure, pour assumer ses responsabilités et prendre en considération les blessures de l’autre à travers ses réactions. On est tous maladroit un jour ou l’autre. On a tous mal formulé une phrase qui a pu blesser, sans pour autant avoir voulu faire du mal. S’excuser, c’est reconnaître son erreur, et tendre la main pour réparer. C’est faire preuve d’humilité, d’amour et de courage, et ne pas laisser l’ego prendre toute la place.

 

Dire « merci », c’est considérer que rien n’est acquis, c’est reconnaître que chacun donne et fait sa part dans le couple, pas comme un devoir conjugal, mais comme une envie de garder un lien de qualité dans le temps.

 

Alors la politesse, dans le couple, ça sert à quoi ?

Loin d’être de simples formules bateaux, elles apaisent, réparent, rappellent la tendresse, même lorsqu’on connaît l’autre par coeur, et surtout à ce moment-là ! L’autre n’est pas sa chose. Alors oui, cela peut paraître parfois vieille école, et obliger à une discipline quotidienne un peu lourde, mais notre langage verbal est d’une grande importance, et ce même si le langage non verbal en dit long (sauf que ce dernier est souvent autant absent que les mots de politesse : l’intention de politesse est morte).

 

L’utilisation de ces formules est un effort, je dirais même un acte de courage dans le temps, mais surtout des signaux de tendresse pour prendre soin de sa relation. Alors oui, l’amour, ce n’est pas une dictée de bonnes manières. Mais si vous voulez éviter que vos disputes finissent en compétition de mauvaise foi, commencez par ces trois petits mots. Ils n’ont rien de magique, mais ils ont le mérite d’être simples, efficaces, et en bonus, entièrement gratuits. Dans le calcul bénéfices-risques, vous en serez toujours gagnants !