ÊTRE SOI AVEC L'AUTRE : VRAIE OU FAUSSE BONNE IDEE?...


    C'est un sujet qui me revient régulièrement aux oreilles : comment arriver à être totalement soi-même dans le couple, en toute transparence, sans tricher sur qui l'on est, sur ce que l'on pense, sur ce que l'on ressent, sans pour autant se montrer blessant vis-à-vis de l’autre ?

     

    Mais tout d’abord, rester soi-même, ça veut dire quoi ?

    C’est pouvoir se montrer tel que l’on est : dans sa folie comme dans ses zones d’ombres. C’est pouvoir parler de ce qui passionne, de ce qui rend heureux, mais aussi de ce qui agace, pèse ou dérange. Globalement, pour la part plus « festive », il n’y a pas vraiment de soucis. Mais lorsqu’il s’agit de parler de ce qui affecte, ça se complique…

     

    Très souvent, en tout cas pour les sujets qui tiennent à cœur, on ne peut pas toujours tout dire à l'autre, tel que cela vient dans l’esprit, sans filtres. Cela pourrait être mal formulé, mal interprété, et s’avérer violent. Alors, en tant que thérapeute, je ne cesse de prôner le temps de pause avant de parler de sujets délicats. Prendre de la hauteur, se questionner sur ses propres émotions, analyser en quoi une rancœur, une colère ou une tristesse vient toucher particulièrement (avant de l’exprimer). En effet, ce temps permet par exemple, de mieux comprendre que derrière une colère, se cache souvent une déception, une frustration ou des peurs. Je constate que la plupart du temps, il s’agit d’un besoin de reconnaissance, d’estime, de besoin d’être aimé(e), ou de peur de ne plus l’être. Bref, lorsque cette analyse est faite, que certaines pulsions émotionnelles sont calmées, vient le moment de parler de ses ruminations à l'autre, de la meilleure façon qui soit.

    L'objectif est donc de pouvoir communiquer de façon non violente et surtout, constructive pour le couple. Sans quoi chacun s’épuise et « bouffe » son énergie et sa santé mentale. La difficulté réside alors à passer un message clair, sans conflit, et sans blesser. Car lorsqu’on aime, on n'a pas envie de faire mal (je ne connais personne qui kiffe particulièrement les conflits, même dans l’espoir d’une réconciliation sur l’oreiller... ). Se lancer est déjà une première étape, qui demande du courage (il est plus facile de mettre les sujets qui fâchent sous le tapis, mais on est d’accord que ce n’est que repoussé pour mieux sauter). Mais, il est des situations qui deviennent si insupportables mentalement avec le temps, qu’il est parfois impossible de reculer. Vient alors la phrase qui tue : « Il faut qu’on parle ».

     

    Pour exemple, je rencontre diverses situations auprès de mes patients : un homme frustré de tendresse, qui ne supporte plus que son épouse fasse du sur place pendant que lui a besoin de projets ; une femme qui a perdu tout désir charnel, parce qu’elle porte l’entièreté de la charge mentale familiale ; une autre femme qui ne se sent pas désirée, se sent seule et mal aimée à force d’abstinence imposée ; un homme « castré » incapable de tenir une érection car il ne trouve pas sa place au sein du foyer. Les cas ne manquent pas…

    L’enjeu est parfois tel, pour la personne qui est en souffrance, que la pression intérieure laisse place à la maladresse. Les mots, les intentions, peuvent se transformer malgré elle, en accusations, en renvois à des blessures profondes chez le (ou la) partenaire. En supposant que la personne en face, soit dans une vraie écoute active et dans la bienveillance, il n'en reste pas moins que manifester une insatisfaction, un mal être causé par un comportement inapproprié, reste très délicat. Ils ne se comprennent pas, ne priorisent pas les mêmes sujets. Alors, le plus souvent, l’un des deux tente de s’adapter, de faire semblant que tout va bien, ou même pire, d’oublier ; il/elle n’ose pas vraiment, se sur-adapte, fait des concessions, se tait, remet à plus tard, ou bien il/elle enrobe son discours (ses demandes), arrondi les angles, minimise, histoire de faire passer la pilule, sans vexer … mais finalement cela crée une fragilité dans le couple.

    Le risque ? Que justement, le message ne soit pas compris, que chacun reste dans le brouillard, dans un message approximatif, qui au mieux soulage le mental, mais finalement, ne résout rien sur le long terme. En gros, où l’impact n’est pas à la mesure de ce qu'on en attend.

    Il ne faut pas oublier que personne n’a envie de se faire critiquer (et encore moins se sentir accusé), ou n'a envie d'imaginer qu'il peut être en partie responsable de la souffrance de l’autre. Alors, comme notre cerveau primitif l’a appris, la réponse instinctive sera le combat (le conflit), la fuite (l’incompréhension) ou la sidération (le repli sur soi). Et si une situation est minimisée, la personne en face va l’intégrer comme telle (c’est-à-dire comme un détail), et l’impact de l’échange peut alors conduire à un coup d'épée dans l'eau. Je vous rassure, agresser l'autre n'est pas constructif non plus ! Dans l'attaque, on n'écoute plus, on cherche juste à se défendre !

     

    Alors que faire ? Car si l'on ne peut pas se montrer vrai, authentique, tel que l'on est, et dire ce que l'on ressent à la personne qui partage notre vie, avec qui pourrions- nous le faire ?!

    Je pense que le principal est de ne pas tricher. Choisir ses mots oui, mais pas pour minimiser. Le message doit être clair. C'est une façon de s'affirmer, d'indiquer ses limites. Parler de soi, laisser aussi l'autre exprimer ce qu'il ressent, s'écouter mutuellement, pour ensuite trouver des solutions ensemble, pour le couple. Même si oui, en effet, il pourrait y avoir des blessures qui ressurgissent, des mots qui font mal, mais qui sont parfois nécessaires. Je pense aussi qu’il ne faut jamais cesser de parler d’amour, de rappeler que l’objectif est de vouloir le meilleur ensemble, de redire tout ce que l’on aime chez l’autre. C’est dans cet équilibre qu’il pourra se sentir investi et prêt à écouter, pour ensuite agir.

    Un bémol tout de même : à mon sens, une vigilance particulière doit être portée sur ce qui appartient émotionnellement à chacun. Par exemple, il sera anti-constructif de mettre volontairement le doigt là où ça fait mal. Appuyer sur des mots clés ou expressions vexantes ou situations taboues, peut servir d’électrochoc, ou s’avérer très destructeur…

     

    Encore un exemple, si c'est de belle-maman dont il est question, que l’agacement vient du fait que le duo est devenu un trio, et que cette intrusion a un impact sur la connexion et la confiance dans le couple, devenu "trouple". Rester factuel(le), ne pas omettre ce qui blesse, pourquoi ça blesse, en quoi se recentrer sur le couple est essentiel, tout en réaffirmant son amour et la confiance en l’autre d’arriver à rétablir la situation, revêtent une importance considérable.

    On ne va pas se mentir, pour l’autre, il est vexant/blessant de se sentir défaillant, d'avoir fait une erreur, ou d'être allé trop loin. De part les egos, il est parfois difficile d’écouter de façon active et pacifiste, d’être empathique en se mettant à la place de l’autre, de garder l’ouverture d'esprit qui permette une prise de conscience et donc le changement. S’excuser sincèrement, demander pardon, admettre ses erreurs (car nous en faisons tous), est aussi un moyen efficace de recréer un lien.

     

    En somme, jeter de l’huile sur le feu n’aidera pas, mais se taire non plus. Demander de l’aide à l’autre pour se sentir mieux dans sa vie, pour former une équipe solide et investie qui trouve des solutions, tout en (se) rappelant pourquoi on aime, peut être l’une des façons de se montrer le plus authentique possible, d’exprimer qui l'on est, sans pour autant blesser. Et si malgré tout ça, les efforts ne sont faits que de façon unilatérale, que vous n’êtes pas entendu(e) ni accepté(e) tel(le) que vous êtes, alors il est temps de se poser d’autres questions, et de venir me consulter…